Voilà dix ans que le Printemps Culturel Neuchâtel propose aux habitant·e·s du canton de les emmener parcourir les sentiers d’un ailleurs, région du monde proche ou lointaine, avant tout caractérisée par la diversité et le dynamisme de sa culture. Pour célébrer la 6e édition de cette manifestation cantonale devenue incontournable, les projecteurs se tourneront du 20 mars au 21 juin 2025 vers la péninsule coréenne, invitée à investir pleinement nos scènes et espaces d’expression. Pendant trois mois, Neuchâtel vivra aux pétillantes couleurs de la K-culture !
Depuis plusieurs décennies déjà, nos écrans et plateformes numériques sont traversés par des productions tourbillonnantes estampillées « made in Korea ». Séries à succès sombres et percutantes ou intensément romancées et musique pop acidulée aux allures de phénomène mondial façonnent ainsi notre imaginaire collectif. Impossible dès lors d’ignorer l’extraordinaire rayonnement de la K-culture, portée sur nos rivages par un puissant courant culturel appelé « hallyu ». C’est donc un peu sonnés et éblouis par le reflet des néons « high-tech » multicolores allumés du côté de Séoul que nous portons notre regard vers cette lointaine péninsule : une terre trop longtemps confinée entre les deux géants culturels et économiques que sont le Japon et la Chine, et bien trop souvent réduite à la fracture ouverte de la guerre qui déchire encore le territoire et ses habitants, et ce depuis les plus sombres heures de la guerre froide.
Si cette K-culture semble a priori un phénomène marqué par le culte de la jeunesse et le goût du divertissement, parfois jusqu’à l’étourdissement, il serait erroné de s’en tenir là !
La Corée est aussi une terre millénaire, une nation séculaire aux traditions culturelles et artistiques fortement enracinées, et c’est bien sur ce terreau ancien du «Pays du Matin frais» que la K-culture a pu s’élever, suscitant un nouvel engouement dans le reste du monde. Le programme enthousiasmant préparé par tous nos partenaires, institutions et associations se donne ainsi pour mission d’explorer tous les horizons et les aspects de cette K-culture. Tantôt voguant sur les eaux de l’histoire, de l’art et de la culture, tantôt se plongeant dans les arts performatifs. Une expérience qui ne serait pas complète si elle ne permettait pas également d’acquérir quelques rudiments de coréen, ou de s’initier à l’art du « bojagi » (l’art de l’emballage), non sans oublier de goûter à la réjouissante gastronomie coréenne. Le comité adresse ses plus chaleureux remerciements à sa précieuse marraine la romancière Laure Mi Hyun Croset, et se réjouit une fois encore de l’extraordinaire élan avec lequel ses partenaires se sont lancés dans l’aventure. Nul doute que le public saura répondre présent : vivons ensemble ce printemps festif à l’heure de la K-culture!
Terre de contrastes entre traditions et innovations high-tech, la Corée du Sud n’aura de cesse de nous étonner et de nous émerveiller. Goût du miracle et tyrannie de l’excellence* qualifient de manière pertinente la société coréenne, dont la hallyu, ou vague culturelle, déferle depuis un moment sur la planète. Des containers Hanjin, camions Kia, voitures Hyundai, aux téléphones portables LG ou Samsung, la taille des objets exportés s’est considérablement réduite, jusqu’à se dématérialiser, pour devenir un soft power soutenu par un gouvernement qui a perçu le potentiel de ce pays relativement peu riche en ressources naturelles mais fortement doté en créativité.
K-pop, K-dramas, K-food et K-beauty conquièrent nos espaces publics, nos écrans, nos assiettes et nos visages, sans parler du cinéma coréen qui a raflé avec Parasite l’Oscar, du meilleur film, première fois pour un film non anglophone, et de la littérature, qui a été couronnée récemment d’un prix Nobel.
La péninsule d’Extrême-Orient, qui a connu occupation, guerre, dictature, et qui a longtemps vécu dans la précarité, se relève avec talent, se réinvente avec une admirable résilience et une rare ingéniosité. Si sa réussite est mondiale, elle n’est cependant pas mainstream. En effet, les fans ou initiés se sentent privilégiés, se considèrent comme de subtils connaisseurs.
Le Printemps culturel permettra au plus grand nombre d’accéder à la culture de ce pays passionnant, qui excelle dans tous les domaines et qui, malgré des réticences à faire évoluer les mentalités concernant certains aspects sociétaux, a montré encore dernièrement sa profonde détermination à rester libre.
Grâce à cette formidable manifestation printanière, quantité d’acteurs culturels de disciplines variées dialogueront et exprimeront des points de vue riches sur des thématiques très diverses. Alors, nous parviendrons peut-être à cultiver le Jeong, ce sentiment propre aux Coréens qui réunit les notions de tendresse, d’empathie et de partage dont nous avons, à présent, tant besoin !
*La première expression est tirée du titre du charmant éloge de la Corée par Sébastien Falletti et la seconde, de l’excellent ouvrage de Juliette Morillot.
Laure Mi Hyun Croset,
romancière suisse dʼorigine coréenne
et marraine du Printemps culturel 2025
Grâce à l’engagement et à l’expertise de l’association du Printemps culturel, nous vivrons cette année une nouvelle découverte permettant d’ouvrir notre regard sur le monde et de questionner ensemble nos propres perceptions. C’est vers la Corée du Sud que nous dirigerons nos attentions.
Que les musées, les théâtres, les bibliothèques, cinémas, salles de concert, galeries et les nombreuses personnes créatives préparent ensemble, dans toutes nos régions, un programme commun tourné vers la découverte d’une autre culture, est un privilège rare dont il faut profiter intensément. C’est à la fois une cause et une conséquence d’une activité associative et institutionnelle intense dans notre canton et la prolongation d’une tradition d’ouverture qui ose s’exposer aux autres pour s’épanouir.
Ainsi cette année peut-être plus que jamais cette biennale trouve sa place, alors que le repli et l’exclusion deviennent parfois des programmes de société. Il est nécessaire de protéger cet objectif d’être ensemble dans une collectivité qui considère toutes les cultures qui la compose comme siennes et qui cherche à explorer de nouveaux horizons.
Lorsque les personnes à l’origine de cette biennale ont choisi de la lier à ce pays, elles ignoraient que dans les mois qui précéderait l’ouverture, il vivrait des événements importants mettant son actualité en lumière.
Ainsi la révolte populaire de cet hiver en Corée du Sud a conduit à la destitution d’un président héritier du système construit après une histoire sociale et géopolitique complexe. Les manifestant·e·s ont réclamé davantage de droits démocratiques et une organisation en société respectant l’État de droit, l’égale dignité et les libertés fondamentales.
Ainsi également, le prix Nobel de littérature a été attribué cet automne à l’auteure coréenne Han Kang, pour sa prose poétique intense qui affronte les traumatismes historiques et expose la fragilité de la vie humaine, selon les termes choisis par le jury du plus grand prix littéraire mondial.
Pendant ce temps, la K-culture continue à constituer elle-même une vague phénoménale, concevant une expression artistique ultra-moderne influencée par des traditions et des coutumes anciennes.
Ce voyage culturel nous permettra de nouveaux angles de vue, contribuant à faire exister notre société ouverte et humaine qui s’envisage comme connectée au reste du monde. D’intenses remerciements vont à lʼAssociation du Printemps culturel et aux organisateur·rice·s d’événements pour cette respiration profonde et salutaire.
Grégory Jaquet,
chef du service de la cohésion multiculturelle
et délégué aux étrangers·ères