Trois questions à Djaïli Amadou Amal, écrivaine camerounaise, auteure du roman « Les Impatientes », prix Goncourt des Lycéens 2020, en conférence au Club 44 à la Chaux-de-Fonds le 8 juin 2021.

Comment caractériseriez-vous la littérature du Sahel?

Le Sahel est une vaste région qui intègre surtout une majeure partie de l’Afrique de l’Ouest. Le Nord-Cameroun, le Tchad et une partie de la Centrafrique en font également partie. La littérature écrite dérive de l’oralité des peuples, dont les griots sont passés maîtres. Les auteurs sont plus des conteurs, et cette littérature s’inspire surtout de nos traditions séculaires, de la nature et autres composantes ethnographiques.

La littérature doit-elle jouer un rôle social ?

Oui. La littérature doit rester un levier de progrès et de développement des populations, elle doit aller au-delà de l’esthétique et servir des causes. Cela est à mon sens d’autant plus impérieux dans un monde aussi trouble que le nôtre. Une littérature engagée me semble essentielle. Je dénonce et combats les tares et dérives rétrogrades de certaines traditions qui aliènent la femme.

Vous sentez-vous « la voix des sans-voix », comme on a pu vous appeler?

Je suis issue du Sahel camerounais, où les femmes n’ont généralement pas voix au chapitre. J’ai publié mon premier roman en 2010. Dire que je suis la première écrivaine de cette vaste région pesant 45% de la population d’un pays de près de 30 millions d’âmes, cela en dit suffisamment long, d’autant plus que mon cheval de bataille reste les discriminations criardes dont la femme est l’objet.

Propos recueillis par Loris Petris, professeur et directeur de l’Institut de langue et civilisation françaises de l’Université de Neuchâtel.

Djaïli Amadou Amal, 45 ans, est peule, musulmane et originaire de Maroua, dans la région camerounaise de l’Extrême-Nord, mariée contre son gré à l’âge de 17 ans.  Son livre « Les Impatientes » (2020) traite du mariage forcé, du viol conjugal et de la polygamie à travers le destin de trois femmes.